«Suggérer de nouveaux possibles»
Par Charles Tesson
Par Charles Tesson
Quel bonheur de retrouver Cannes, la Croisette et une salle Miramar entièrement rénovée pour célébrer la 60e édition de la Semaine de la Critique !
60 ans, belle longévité pour la sélection parallèle cannoise consacrée au jeune cinéma mondial. Beau chiffre, au regard de la décennie qui nous a vu naître, les années 60, celle des nouvelles vagues, des nouvelles cinématographies nées des libérations et des indépendances.
Après un coup d’essai, qui fut un coup de maître - le 1er long métrage de Shirley Clarke The Connectionen 1961 - La Semaine de la Critique a tout de suite trouvé ses marques : une semaine, 7 jours, 7 films en compétition, des premiers et seconds films exclusivement. Cette règle d’or a constitué notre esprit : la recherche de nouveaux regards, de nouveaux visages, de nouveaux territoires de cinéma, géographiques et esthétiques, qui vont inventer le cinéma de demain.
La 50e édition avait déployé le tapis rouge de notre mémoire, valorisant le travail accompli. La 60e édition, sur la base de ces dix dernières années, sera le tremplin de notre avenir.
La singularité d’un anniversaire est de se tourner vers le passé, non pour le contempler mais pour bénéficier de son enseignement, le réfléchir, le mûrir pour mieux appréhender les cinémas qui nous attendent, les chemins que nous avons envie de tracer en tant que critiques de cinéma et sélectionneurs de films : être curieux, à l’affut, ouverts aux œuvres et suggérer de nouveaux possibles.
La particularité de notre section : ce nom de « Critique » dans 60 ans de Semaine. En 1962 l’Association Française de la Critique, à l’invitation du Festival de Cannes, a initié un modèle inédit : des critiques mettent leur activité traditionnelle de côté pour voir des films en première mondiale et composer une sélection, en toute liberté et indépendance. 60 ans après, les Semaines de la Critique se sont multipliées partout dans le monde et on trouve des critiques dans de nombreux comités de sélection, malgré la professionnalisation croissante de cette fonction.
L’exercice de la critique a pour mission essentielle et primordiale de transmettre, accompagner les œuvres vers le public. C’est un travail de longue haleine : voir les films arriver de loin, analyser, défendre, argumenter. Ici, à la Semaine de la Critique, nous sommes sur un terrain de jeu différent : les critiques, comme au tennis, montent au filet, , armés de leur intime conviction. Ils font des paris, misent sur un jeune cinéaste jusqu’ici inconnu, avancent à découvert, marquent ou perdent des points, y croient. Quelle que soit la prise de risques l’important reste de préserver cet esprit de découverte.
Cette passion de sentir des lieux de cinéma qui émergent et vibrent, de contribuer humblement au renouvellement du cinéma, est plus forte que tout. Elle est garante d’un certain esprit du cinéma à l’heure où les plateformes et leur modèle de production émergent : préserver un artisanat, un savoir-faire cinématographique que l’œil exercé de la critique chérit. Cette obsession qui nous anime, que nous avons le plaisir de partager avec les cinéastes et toutes celles et ceux qui contribuent à ce que les films existent - producteurs, distributeurs, vendeurs, programmateurs - elle est simple et fondamentale : que le cinéma continue. La Semaine de la Critique sera toujours là pour ça.
Charles Tesson
Délégué général
Semaine de la Criitique