La sélection 2024 de courts métrages décline les genres, flirte avec le fantastique et sonde les cœurs et les âmes.

par Marie-Pauline Mollaret

Quelle compréhension et quelle connaissance est-il réellement possible d’avoir les uns des autres ? C’est la question que pose, avec beaucoup d’élégance et d’humour, le film d’Isadora Neves Marques, As minhas sensações são tudo o que tenho para oferecer (My Senses Are All I Have to Offer) ; tandis que Jan Bujnowski observe dans Taniec w Narożniku (Dancing in the Corner) comment l’amour du football unit un père et son fils, devenant une métaphore à la fois intime et politique.

Et qu’en est-il de la connaissance que nous croyons avoir de nous-mêmes ? Dans Noksan (Absent) de Cem Demirer, le personnage principal en vient à douter de son propre état mental. Une plongée ténue dans l’étrange, magnifiée par une mise en scène époustouflante. Avec Supersilly, Veronica Martiradonna donne crûment corps aux traumatismes d’enfance de sa narratrice, dans une démarche aussi radicale que bouleversante.

 Manifeste poétique et politique également bien ancré dans son époque, Ce qu’on demande à une statue, c’est qu’elle ne bouge pas (Ayτο που ζηταμε απο ενα αγαλμα ειναι να μην κινειται) de Daphné Hérétakis questionne avec humour l’inertie contemporaine et le poids envahissant du passé. L’envie et la possibilité d’un monde nouveau sont aussi au centre de A menina e o pote (The Girl and the Pot) de Valentina Homem, qui mêle de puissantes visions cosmogoniques au parcours initiatique de son personnage féminin.

Autres parcours initiatiques, celui du héros d’Alazar de Beza Hailu Lemma, qui nous fait vivre en osmose une quête de vérité ambiguë sur fond de sécheresse délétère et de miracles supposés ; mais aussi celui des danseurs de Radikals d’Arvin Belarmino qui traversent un récit constitué de continuelles ruptures de ton, basculant de la chronique rurale naturaliste au conte fantastique frontal.

Enfin, Montsouris de Guil Sela dissimule derrière un récit en apparence anecdotique un sens du burlesque et de la simplicité narrative qui force l’émotion, alors que Ella se queda (She Stays) de Marinthia Gutiérrez Velazco est un geste de cinéma envoûtant et libre, à mi-chemin entre l’hommage vintage à la Nouvelle vague et le trip expérimental version Grindhouse.

Dans la séance spéciale, intimité et désir se déclinent sous toutes leurs formes.

Un coming-of-age faussement classique avec 1996 ou Les Malheurs de Solveig de Lucie Borleteau. Un documentaire poignant - Las novias del sur (Les fiancées du sud) - dans lequel des vieilles dames toujours pleines de fougue nous racontent leurs désirs de femmes, sous la caméra d’Elena López Riera. Et la chronique virile d’une séance de sauna comme les autres… ou pas, avec Sannapäiv (Sauna Day) de Anna Hints et Tushar Prakash.

La Semaine de la Critique continuera d’accompagner ces talents, en leur offrant l’opportunité d’intégrer son programme Next Step, un atelier de formation et d’accompagnement vers le long métrage.

Marie-Pauline Mollaret,

Coordonatrice du comité de séléction courts métrages