Une traversée des mondes
par Ava Cahen
par Ava Cahen
La campagne française, la montagne argentine, le bitume des villes de Strasbourg, Marseille, São Paulo, New York et Taipei, les chemins de terre d’un village du Sud de l’Égypte, le parquet d’une scène de concert, la surface synthétique d’un terrain de tennis. Autant de lieux et de décors transcendés par le regard des onze cinéastes de la sélection longs métrages.
Onze cinéastes, à la griffe unique, auteurs de premiers et deuxièmes films qui nous ont inspirés et qui ont réouvert notre appétit de cinéma. Il s’affirme dès l’ouverture, avec le premier long métrage du réalisateur français Jonathan Millet. Inspiré d’une histoire vraie, Les Fantômes revisite les codes du film d’espionnage, jusqu’à renouveler les sensations qu’il produit, mettant en scène la traque intense et intime d’un criminel de guerre par l’une de ses victimes, campée par l’acteur franco-tunisien Adam Bessa.
Si révéler des cinéastes est un moteur, il en va de même pour les actrices et les acteurs dont on aime découvrir les débuts ou célébrer la consécration. La plupart des films en sélection mettent en lumière toute une nouvelle génération : Ayoub Gretaa (La Mer au loin), Sayyid El Alami (La Pampa), Louisa Aura et Gio Ventura (Les Reines du drame), Liu Wei-Chen (Locust), Tessa Van den Broeck (Julie Keeps Quiet), Lorenzo Ferro (Simon de la montaña), Ke-Wi Wu (Blue Sun Palace) ou encore Oulaya Amamra dans Animale, film de clôture de la 63e édition, puissant film de genre réalisé, en terres camarguaises, par la réalisatrice franco-algérienne Emma Benestan.
Le cinéma français est également à l’honneur des deux séances spéciales, avec La Mer au loin, deuxième film du réalisateur franco-marocain Saïd Hamich Benlarbi, élégante fresque qui se déroule à Marseille sur près d’une décennie, au son de la musique Raï, et Les Reines du drame, premier long métrage d’Alexis Langlois, comédie musicale lesbienne sur les affres de la célébrité, doublée d’une déclaration d’amour enflammée au cinéma, toute en paillettes et pommettes.
Au cœur de la compétition, sept films défendent les couleurs du cinéma Argentin, Taïwanais, Américain, Belge, Français, Égyptien et Brésilien.
Simon de la Montaña, premier long métrage du réalisateur argentin Federico Luis, est un récit d’apprentissage qui suit le circuit des désirs borderline d’un jeune homme en mal de contact. Du cinéma charnel et terrien, qui joue avec les codes du teen-movie. Le réalisateur taïwanais KEFF rend hommage, quant à lui, aux maîtres du cinéma taïwanais et américain dans Locust, un premier film noir et sentimental dont l’action se déroule dans un impressionnant contexte de grogne populaire. Avec Blue Sun Palace, son premier long métrage, la réalisatrice américaine Constance Tsang, nous plonge dans le quotidien de trois immigrés chinois qui résident dans le Queens. Un drame sans fard et sans pathos, à la mise en scène sensible, où les histoires se racontent à travers les corps, notamment celui de Lee-Kang Cheng, l’acteur fétiche de Tsai Ming-liang. Un autre corps endurant, celui de Julie, dans Julie Keeps Quiet, joueuse de tennis au mental d’acier, tourmentée par une enquête qui vise son entraîneur. Le réalisateur belge Leonardo Van Dijl signe un premier long métrage résolument contemporain qui, par la force et les outils du cinéma, montre combien la parole est parfois difficile à libérer.
Dans son premier film, La Pampa, le réalisateur français Antoine Chevrollier aborde avec brio la question de la masculinité toxique en milieu rural. Un drame percé de lumière, incarné et vibrant, où l’amitié fait rempart à l’intolérance. Vibrant aussi, The Brink of Dreams, deuxième film égyptien de Nada Riyadh et Ayman El Amir. Beau documentaire, au dispositif libre et dynamique, sur un groupe de femmes artistes et leur émancipation par les arts de rue. Un mélodrame queer brésilien enfin. Deuxième film du réalisateur Marcelo Caetano, Baby séduit par son rythme musical et son souffle romanesque. Le réalisateur fait s’entrechoquer des réalités et des mondes qui provoquent un véritablement tremblement émotionnel.
La promesse d’une édition à la croisée des genres, placée sous le signe de la traversée des mondes.
Ava Cahen
Déléguée générale