CMA The Moth / Papillons de nuit
de Tomasz Zygadlo
Jan est présentateur d'une émission de nuit à la radio pour ceux qui ne dorment pas, parce qu'ils travaillent, ou bien ne peuvent pas trouver le sommeil. C'est plutôt une sorte de "S.O.S Amitiés" qui permet aux auditeurs anonymes de faire leur confession publique, et le présentateur à la radio tient ici le rôle de prêtre et de conseiller. Alors qu'à leurs côtés, tous, même leurs proches, dorment à point fermés. Jan, que nous observons au studio, semble tirer de la joie des petits succès de ses interlocuteurs et pleurer avec eux. Il est le plus vivant des vivants. Mais lorsque le jour se lève, Jan s'éteint. Il resterait au studio, le plus volontiers, car celui-ci est séparé du monde extérieur par de lourds rideaux et des portes bien closes. Mais l'équipe de jour arrive. La rue est bondée de gens qui se pressent au travail. La plupart d'entre eux, qui prennent la vie comme elle est, n'ont pas besoin du soutien de Jan. Autant, de nuit, est-il plein de vie, énergique, compatissant, souverain, autant le jour éteint, apathique, indifférent et passif. Après la sortie du studio, il ne peut se décider quelle direction prendre : rentrer chez lui où il retrouvera sa femme et son fils, ou se rendre chez sa maîtresse. Ce qu'il préfèrerait à tout serait de dormir toute la journée dans l'attente de son émission de nuit. Pourtant, il ne peut pas se libérer des problèmes quotidiens. Non seulement dans le sens où il doit avoir un lit pour dormir et une table sur laquelle il puisse manger, mais également parce qu'il y a d'autres gens envers qui il lui faut se comporter en tant que mari, ami ou amant. Au cours de ses émissions de nuit, il fait la connaissance d'Iwona dont la voix lui permet de garder confiance en lui-même. En présence des auditeurs, un amour naît. Et d'une part il y a les rêves d'une femme d'un homme bon et intelligent, et de l'autre la nostalgie de Jan d'un amour parfait. De cet enchevêtrement professionnel, social et de la vie privée est tirée l'action du film. Par moments, elle rappelle l'écriture railleuse du cours de la maladie d'un patient qui veut persévérer dans la sentimentalité, la spontanéité difforme, la nostalgie parfaite et indéterminée, alors que la civilisation technique et sociale poussée de nos jours impose à chaque membre de la société une discipline de fer dans l'accomplissement de ses différentes tâches. Dans la vie professionnelle et privée, de plus en plus, Jan devient le client de ses propres émissions, quelqu'un qui a besoin qu'on l'apaise et le console. Puis, à la fin d'une d'elles, Jan fait une dépression. On le voit ensuite dans une maison de repos en montagne, en train de prendre un bain de soleil sur la terrasse. Il a l'air heureux. Et pendant son voyage de retour, avec ce même air d'homme heureux, il chasse du compartiment un voyageur qui par le récit de ses anxiétés pourrait jeter bas sa tranquilité. Après son retour, son entourage et pour lui plein de persévérance et d'amabilité, tout souriant, et lui aussi. Il n'y a pas de doutes possibles, Jan est guéri.