« Le film est né d’une image sur un vol low cost pour l’Espagne. Sur son strapontin, au décollage, une hôtesse de l’air semblait laisser au sol un vécu énorme. Il y avait une grâce et une intensité dans ce moment de gravité et de rapport à la condition de l’être humain sur terre. Puis le ding dong a retenti et elle s’est levée. Se juxtaposaient une force quasi métaphysique et le loufoque de la vente des parfums, avec une hôtesse transformée en marchande acharnée. L’opportunité a surgi de sismographier cet indicible de l’époque. Il y a aussi le tableau d’Edward Hopper, L’Ouvreuse, belle indication de cinéma, par son cadre et son hors champ, et très bonne piste pour capter cette solitude parmi la foule. Cassandre est un peu l’ouvreuse 2021.
Comme Rien à foutre affronte quelque chose de dur et de violent, nous n’allions pas raconter la standardisation et le management par un tournage standardisé et triste. Nous avons essayé qu’il soit à l’inverse de ce que le film dénonce, en restant en petit groupe et loin d’une pratique industrielle. C’est de là aussi que vient son côté bricolé. Nous préférons la fragilité qui nous touche à la justesse et au contrôle technique.
Le projet a été financé comme une production sans obligation de casting. On a longtemps cherché une véritable hôtesse, mais nous avons finalement trouvé le spleen d’ouvreuse chez Adèle Exarchopoulos. Son jeu incarne les changements d’états très forts et très ténus, switchant en un clin d’œil du « rien à foutre » à une profonde mélancolie. Portée par des comédiens non-professionnels, véritable personnel navigant dans la vie, elle livre une interprétation nourrie d’instinct et d’intuition. »