"J’ai découvert l’existence de Bruno Reidal il y a dix ans dans un livre sur les serial killers. Perdu au milieu de criminels célèbres du 20ème siècle, se trouvait ce jeune paysan du Cantal de la fin du 19ème siècle, aspirant prêtre, qui de surcroît n’est pas à proprement parler un tueur en série pour avoir tué une seule fois. Le fait divers m’a immédiatement fasciné par son contexte mais aussi par ce paradoxe assez inexplicable, à savoir que l’assassin n’avait apparemment aucun remords mais qu’il s’était pourtant livré de lui-même aux autorités.
Je me suis ensuite plongé dans les mémoires écrites par Bruno en prison. La découverte de ce texte a été un déclencheur. J’ai été très troublé d’assister à une souffrance si tangible, si manifeste, en même temps qu’insaisissable. Derrière le monstre que les journaux décrivaient à l’époque, se trouvait un jeune garçon ayant lutté toute sa vie contre lui-même, contre ses pulsions et ses désirs, contre ce « mal » qui l’habitait. Bruno cessait soudain de me fasciner pour m’émouvoir. Il cessait de représenter l’altérité pour être un miroir, aussi obscur soit-il. Son histoire soulevait la question de la liberté et du déterminisme : est-ce que nous nous appartenons vraiment ? Peut-on lutter contre ce que l’on est au fond de soi, peut-on se « débarrasser » de soi ?
Derrière l’horreur du crime qu’il ne s’agit pas d’occulter, il y a avant tout le portrait d’un enfant ayant souffert de la solitude, de la frustration, des interdits, de son milieu social, de son époque, et le film tente de montrer sans jugement les soubresauts de son âme, sans pour autant chercher à tout expliquer ou tout justifier. Au fond, malgré la dureté du film, j’aimerais qu’on en sorte avec une impression de trouble, voire d’empathie, plutôt que d’effroi ou de rejet."