« Je suis médecin et cinéaste. J'ai appris les deux métiers en parallèle : la médecine via des études, le cinéma en autodidacte. Très longtemps j'ai cloisonné les deux métiers, alors qu'ils ont beaucoup en commun, ne serait-ce que le travail en équipe où d'être au contact de multiples corps de métier spécialisés. Hippocrate parle cependant de leur principale différence : le poids de la responsabilité que l'on peut porter quand on est médecin, ce sentiment perpétuel d'être dans le doute, la perte d'une certaine insouciance qu'il entraîne.
Il fallait que je me démarque de l'imagerie de l'hôpital véhiculée depuis quelques années par certaines séries télé jusqu'a nourrir l'inconscient collectif. L'une des échappatoires a été de filmer plus les humanités à l'intérieur de ce lieu que lui, sans trahir sa réalité. Je me suis donc très attaché au réalisme sans pour autant renoncer à un certain romanesque. Celui-ci ne peut s'ancrer que si l'environnement est crédible dans le moindre micro-détail : pour la moindre piqûre montrée à l'écran, je voulais qu'on utilise la bonne aiguille. Mais Hippocrate n'est pas pour autant un documentaire; mon désir de cinéaste est aussi celui d'aller vers une forme de divertissement, sans pour autant glisser dans le polar ou le thriller médical.
L'hôpital contemporain n'est plus un lieu d'ultra modernité : certains sont désaffectés, abîmés. Les mandarins sont désormais des fonctionnaires, qui sans être financièrement à la rue, gagnent beaucoup moins que les spécialistes en libéral : 30 à 40% des médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics sont étrangers issus de l'extérieur de l'union européenne, mal payés, dans une certaine forme de précarité. Je voulais traiter tout cela sans faire une thèse autour de ces thèmes, Hippocrate n'est pas un film à charge. »