« Après Vous êtes tous des capitaines, je voulais tourner un autre film au Maroc. J'ai habité dans une palmeraie pendant trois ans, proche du désert. J'ai beaucoup arpenté la région et c'était aussi le projet du film que d'avoir un prétexte pour marcher. L'histoire est un mélange de contes que j'ai entendus, issus de la tradition soufie et convoquant des auteurs comme Ibn Arabi, Shahab al-Din Sohrawardi ou bien encore Rûzbehân.
J'appartiens à une génération décomplexée par rapport à la question religieuse, pour qui il n'est nul besoin de différencier la foi de la religion, et la religion de la spiritualité. Il en va de même avec la création artistique, qui est un autre geste religieux, puisque le sens étymologique du mot religion est "relier". Je voulais faire un film qui célèbre le ré-enchantement du monde actuel. Je suis de ceux qui pensent qu'il y a un retour du sacré.
Ce n'est pas simple de faire un film religieux aujourd'hui. C'est en partie dû au cynisme actuel et à un ésotérisme inepte. C'est pourquoi sa condition de « fou » autorise mon personnage Shakib à parler ouvertement de la foi. Pour moi, c'est une sorte de Don Quichotte ou de Nasr Eddin Hodja, lucide dans sa folie.
Je voulais faire un film hivernal où la nature et le climat nous dépassent. Mais les cinq semaines du tournage ont coïncidé avec des journées très chaudes et printanières. Il y a des moments où l'on peut sentir les efforts des hommes qui font corps avec la nature, sont en lutte et en harmonie avec elle. Mes personnages sont, pour moi, comme des montagnes.
Il y a deux formes de récits épiques, intérieur et extérieur, qui travaillent en parallèle et s'auto-alimentent. Le film a lieu dans le monde sensible, où les esprits s'incarnent, et dans le monde spirituel, où les corps se dématérialisent. Je trouvais très punk de faire un film d'aventures aujourd'hui. »