« Tous mes films racontent des histoires de corps et de domination. Ici je confronte mon héroïne à l’emprise d’un homme puissant.
Un jour, on m’a amené dans un marché à bestiaux en Bourgogne. Ce lieu m’a frappé par son fonctionnement, sa structure, sa théâtralité. Les bêtes par milliers. Les hommes qui s’affairent. Et la seule femme est au secrétariat. J’assiste à la violence de l’offre et la demande, et j’y découvre la politique de l’élevage. Je décide de plonger mon héroïne dans les enjeux de pouvoir de la filière.
Quand on a commencé à chercher des financements avec mon producteur, les réactions au scénario étaient perplexes : “On ne comprend pas bien cette histoire… De quoi se plaint cette jeune femme ? C’est juste une relation trouble…”C’était exactement cet aveuglement que je voulais raconter. L’affaire Weinstein éclate quelques mois après et le regard sur le film change. Alors que le scénario lui n’avait pas bougé !
J’avais envie de formes de cinéma nouvelles pour moi : des plans-séquence très longs, du mouvement. Pour la première fois, j’ai utilisé des travellings, une grue, un steadicam. Ça me permet de faire ressentir au spectateur “en temps réel”ce que vit mon héroïne.
Le film est porté par Diane Rouxel, elle est bouleversante de force et de fragilité. Je pense au moment où elle sort de chez Sylvain (Jalil Lespert) et où elle part en voiture. C’est filmé en un seul plan, la caméra est déjà dans le véhicule. Elle fait bonne figure face à lui, monte, démarre et on reste avec elle. À mesure qu’elle s’éloigne, elle craque et se met à pleurer. Il fallait le porter ce plan-là ! »