« Je suis né dans un pays multi-ethnique et je suis issu d’une communauté minoritaire. Je suis passé par une crise identitaire. Pendant longtemps, j’ai lutté pour m’identifier comme indien, car souvent j’étais considéré un outsider dans mon propre pays à prédominance chinoise. Les personnages du film sont des gens ordinaires que l’on peut croiser dans la vie de tous les jours à Singapour, ceux que l’on ne remarque pas, les exclus, ceux que l’on ne voit ni l’on n’entend.
Singapour est un pays très paisible, mais le racisme y opère d’une manière latente, ce qui le rend d’autant plus dangereux. C’est une nation-état où les citoyens oublient parfois qu’ils proviennent de familles d’immigrés eux aussi, ce qui les rend mal à l’aise vis-à-vis des nouveaux migrants et des minorités. Siva est un exclu pour trois raisons: par sa ethnie minoritaire, le fait qu’il soit à côté des chemins battus et aussi à côté de la loi. Il a certes pris des décisions douteuses, mais il n’est pas libre de ses décisions et se retrouve maintenant poussé à bout.
Je ne voulais pas que Sivakumar Palakrishnan s’approprie le personnage d’un coup. Je voulais qu’il découvre toutes les nuances de son rôle doucement, à travers des rencontres avec des vrais gens, qu’il les observe et prenne possession de leur espace pendant la phase de préparation, qu’il rentre dans la peau de Siva.
Il y a peu de fonds pour les films d’art et d’essai au Singapour. Il m’a fallu 20 ans pour faire mon premier long-métrage. Quand j’ai commencé à faire mes courts, il n’y avait pas du tout de financement, je ne pouvais donc pas m’aventurer à faire un long à l’époque. Des aides du monde entier ont contribué à ce que le film soit sur le grand écran. »