« J’ai grandi dans les années vaches folles et fièvre aphteuse. J’ai été marqué par mes parents et leur entourage, éleveurs laitiers en Haute-Marne, perdus face à quelque chose qui les dépassait. Quelque chose d’incontrôlable. La peur de tout perdre était partout. J’ai toujours eu le sentiment que faire ce film était plus lié à une nécessité qu’à une envie. Même si les deux sont liées. Il fallait que je parle de mon monde et du fait de le quitter. L’histoire de Pierre, paysan qui a repris l’exploitation familiale, est celle que j’aurais dû avoir.
C’était très important pour moi de sortir les paysans de leur cuisine en formica, de leur mutisme et de leur vieillesse, d’injecter du genre et de la fiction dans cet univers. Je voulais parler d’une réalité tout en me détachant du documentaire et du naturalisme, qui collent un peu trop à l’imagerie du monde rural.
Swann Arlaud s’est dévoué au rôle. Il est venu faire un stage chez des cousins éleveurs. Au départ, il devait juste apprendre à traire les vaches, mais au bout de deux jours, il s’est mis à faire tous les travaux dans leur ferme avec eux. À la fin du stage, l’un des deux chefs de l’exploitation m’a dit que c’était le meilleur stagiaire qu’il avait eu. Il ne voulait plus le laisser partir.
C’est une véritable angoisse pour moi de faire fonctionner des duos frère/sœur, thématique au centre de mes courts métrages. Je suis fils unique et j’ai toujours été fasciné par le lien qui unit les fratries. À la base, je ne voulais pas jouer l’ambiguïté, mais je trouve ça intéressant de ne pas donner toutes les cartes dès le début. »