« Je suis né en 1978 et mon père a disparu en 1981. Il y a un vrai élément biographique, mais je ne sais pas très bien comment le gérer vis-à-vis du public. Je ne vais pas mentir sur mes désirs et sur comment le film est né, mais je n’ai pas envie de faire ma Cosette. Tout va bien. Surtout que j’ai toujours été ému par la volonté de continuer à vivre des survivants du génocide de la dictature.
Restituer aux familles les corps disparus est un travail de fourmi qui est fait par une seule association, indépendante, qui n’a jamais voulu avoir de liens avec l’état, et qui travaille avec des fonds américains, hollandais et canadiens. C’est extrêmement cher et long. On estime qu’on a identifié à ce jour un pour cent des disparus, en vingt ans. Il n’y a pas de volonté politique. Si on avait accès aux dossiers militaires, on irait plus vite.
J’ai voulu créer une mise en scène classique, presque théâtrale à certains moments, pour donner une place au spectateur, et ne pas l’obliger à ressentir certaines choses ou le prendre par la main. Il fallait lui accorder une sorte de liberté, qui me poussait à faire trois pas de côté avec la caméra, pour pouvoir jouer avec lui.
Il n’existe pas d’école d’acteurs au Guatemala. Je suis allé chercher Armando Espitia et Emma Dib au Mexique. La façon dont je voulais travailler les personnages principaux était un véritable parcours, et nécessitait un travail d’acteur, avec des techniques et des constructions particulières. Au départ, je ne voulais pas de comédiens, mais quand je me suis rendu compte de ce que j’avais écrit, je me suis dit que des non professionnels ne pourraient jamais le faire. Pour les autres personnages par contre, je voulais des vrais gens, de la fondation, du village, etc.
On est en train de vivre un moment historique depuis que Ixcanul de Jayro Bustamante a ouvert la voie en faisant vraiment bouger les choses. Le temps est arrivé où on se dit au Guatemala "on sait faire du cinéma". »