« À travers ce premier film, j’ai eu envie de parler du terrorisme en Algérie dans les années 1990.
Au lieu de me lancer dans une chronique sociale et politique, j’ai choisi de ne pas poser de marqueurs temporels pour mieux m’exprimer d’un point de vue philosophique et humain, du coup plus universel. Je n’utilise pas de signes clairs sur l’époque pour éviter les clichés. L’histoire va dans les fondements de la violence et du terrorisme, en évitant une approche frontale. Le mot islam n’est jamais prononcé pour éviter les lieux communs face à une actualité qui change, tout comme les idéologies.
Abou Leila est un film sombre qui s’inscrit dans un contexte impossible, un film métaphorique avec plusieurs niveaux de lecture, que j’ai essayé de faire cohabiter. D’où son côté baroque. Le scénario repose sur la relation d’amitié qui unit les deux protagonistes. D’un côté, il y a le grand frère protecteur ; de l’autre, le personnage principal d’une très grande fragilité.
La partie "road-movie" et la seconde partie dans laquelle on ne distingue plus la réalité du rêve ou de l’hallucination, sont habitées par les mêmes intentions artistiques. C’est à dire une progression émotionnelle plutôt que narrative. On suit les phases des métamorphoses du personnage qui prend conscience de son traumatisme, et que la fin libère. On voit le monde à travers ses yeux. Il n’a pas réussi à maitriser sa douleur, sa violence et s’est inventé Abou Leila, ce MacGuffin grâce auquel je peux dire ce que je voulais.
On attend beaucoup de choses du cinéma qui vient du Maghreb, c’est pourquoi, j’ai voulu faire un film algérien qui parle à tout le monde. »