« J’ai voulu filmer l’élan vital des 19 ans de mon héroïne pour contraster avec la plus grande des injustices, parler d’une jeune fille juive française, de sa famille, moins menacés que les juifs étrangers de l’époque. Imaginer leur quotidien avant que 1942 devienne l’horreur que nous connaissons.
Le cinéma m’a permis de jouer avec les apparences. Mon pari était de parler de la guerre sans la montrer. Ressentir le monstre tapi dans l’ombre sans le voir. Filmer la jeunesse pour être davantage touchés quand l’inacceptable survient. La forme du film sobre et intemporelle fait écho à notre époque où le pire pourrait recommencer.
Écrire une histoire c’est aussi parler de soi. Devenir actrice à 19 ans a été pour moi une renaissance. Choisir Rebecca Marder, mon Irène passionnée de théâtre a été une évidence. Sa force de vie, son devenir d’actrice collait au personnage. Françoise Widhof, actrice non professionnelle joue la grand-mère. Son regard vif m’a aidé à mettre en scène la complicité avec sa petite fille. Elle représente la rébellion et la résistance. Le père qu’interprète André Marcon et le frère, Anthony Bajon sont plus raisonnables que les femmes du film. La voisine humaine que joue Florence Viala rend hommage aux Justes. J’ai toujours voulu filmer India Hair, l’amie rêvée.
Suivre ces personnages suffit à comprendre ce qu’ils pressentent. Éprouver la peur sans la montrer. Le film avance au rythme et par le prisme de mon héroïne, ce qu’elle refuse de voir. Seul l’inattendu pourrait l’arrêter en plein élan. « Il fait toujours beau les jours de catastrophe » écrivait Hélène Berr dans son journal avant que sa vie ne bascule pour toujours. Je voulais que mon film reste modeste. Comme un geste pour ne jamais oublier. »