Comment vous est venue l'idée du film ?
J'ai eu l'idée il y a cinq ou six ans, après une longue discussion avec Dustin Muchuvitz. Nous venions de passer la nuit dans un club puis en after chez un ami. Nous nous sommes rapidement isolées dans un coin et avons discuté des heures. À l'époque, Dustin passait son temps à subir des agressions, interrogations et reproches à propos de son identité, de son apparence. Ce qui m'a frappé, c'est que l'hostilité ne venait pas uniquement de l'extérieur, et que Dustin avait également du mal à vivre sereinement sa non-binarité, au sein même de la communauté LGBTQI. C'est à ce moment que je me suis aperçue à quel point les personnes trans étaient ostracisées, et ce même dans des espaces a priori de sécurité pour elles.
Vous êtes aussi DJ. Comment avez-vous abordé la mise en scène de la fête, de la nuit ?
Ma première intention a été de filmer un univers qui m'est cher, et que je trouve trop peu représenté au cinéma : le milieu de la techno et des fêtes en warehouse. Chaque week-end, des dizaines de milliers de jeunes sillonnent l'Ile-De-France pour aller danser. J’y vois un intérêt sociologique : un instantané du défouloir nécessaire à une jeunesse de plus en plus précarisée, à laquelle la société laisse peu de place. La fête commence à minuit, se termine à midi et les afters s'étirent souvent jusqu'à la nuit suivante. C'est cette fête excessive, triste, mélancolique, violente, douloureuse, sale et douce à la fois que je voulais filmer. Il semblait naturel d'aller sur place, de confronter l'équipe à une vraie fête de diriger les comédiens in-situ. C'était la seule façon d'avoir un décor crédible, de ne pas avoir à faire croire à une fête qui n'existait pas en devant trouver des subterfuges au montage. Je voulais vraiment qu'on suive les personnages, qu'on s’attache à eux, que la fête agisse comme un révélateur de leurs émotions, et non pas comme un fantasme esthétique.