Los Perros, dans le sillage de L’été des poissons volants (2013), sur les relations glaçantes et tendues entre de riches propriétaires terriens et des indiens, appuie là où ça fait mal sur une autre fracture de la société chilienne. Le film s’intéresse aux conséquences de dictature Pinochet dans le Chili d’aujourd’hui tout en réglant ses comptes avec une puissante bourgeoisie d’affaires, protégée en toute impunité par une hypocrisie triomphante. « Il y a quelques années, lors d'un tournage documentaire, j'ai rencontré des militaires qui étaient poursuivis par la justice pour des crimes commis sous la dictature de Pinochet. J'étais surprise du sentiment de trahison qu'ils éprouvaient face au monde civil qui les avaient encouragés et financés. J'ai pris conscience que les militaires n'étaient que des pions dans un jeu complexe qui consistait à instaurer un nouveau système économique et dont les gagnants sont sortis indemnes. »
Pour instruire ce procès, Marcela Said a conçu un personnage féminin particulièrement dérangeant. Ce cheminement imprévisible, fruit d’un combat singulier conduit par celle qu’on a envie de suivre, qui a notre sympathie et notre soutien jusqu’au moment où elle va trop vite, trop loin, nous sème en cours de route, on le ressent fortement dans Los Perros comme on l’avait ressenti avec l’héroïne de Paulina (Santiago Mitre) et celle de L’institutrice (Nadav Lapid). « Mariana est un personnage complexe car je la voulais vraie, c'est à dire forte et fragile et en même temps, vulnérable, curieuse, ambiguë, drôle. Je voulais aller à l'encontre de certaines héroïnes de films car cette femme appartient à une bourgeoisie qui ne trahit pas les siens qui vit dans le déni historique et cela je le savais depuis le début, c'est une forme de vérité pour moi. » C’est à ce prix que l’engagement de cette femme, très malaisant, tient en éveil une réalité devenue inquiétante.