Ava, ou l’été d’une adolescente butée et solitaire raconté et filmé en 35 mm par Léa Mysius.
« Ava est une jeune fille de 13 ans qui a une maladie de l’œil qu’on appelle rétinite pigmentaire. Au début de l’histoire, elle est dégoûtée par le corps : ceux étendus sur la plage, vautrés et indécents, celui de sa mère, qui couche avec un homme, de sa petite sœur qu’elle considère comme un tube digestif vivant, et le sien évidemment. Perdre la vue progressivement l’oblige à développer ses autres sens, à accepter son corps et celui des autres.
Le scénario - qui était l’objet de mon travail de fin d’études à La Fémis - est né de l’image d’un chien noir qui traverse une plage bondée. Le chien est une sorte de guide, il fait la jonction entre l’artificiel et le sauvage, entre le réel et le fantasme. Il accompagne Ava dans ce voyage vers la sensualité et la sexualité.
Pendant l’écriture, j’ai eu des migraines ophtalmiques assez violentes qui m’ont forcée à écrire dans le noir. C’est comme ça que le désir de voir est arrivé au cœur du film.
Ava rencontre un jeune homme, Juan. Ce personnage est inspiré d’un garçon que j’ai connu au collège. Il était plus âgé, grande gueule, intelligent. Il se faisait rejeter violemment par élèves et professeurs parce qu’il était gitan. Ça m’a marqué. C’est de là que vient le personnage de Juan, Gitan andalou qui fascine Ava.
Autour d’elle, personne ne voit l’obscurité progresser, personne ne se sent concerné à part Mathias, jeune homme qu’elle rencontre à la plage, qui lui chuchote : « C’est bientôt la fin de notre civilisation. »
Le défi au scénario et au montage a été de créer des variations. D’arriver à basculer dans un récit de moins en moins naturaliste. La musique nous a beaucoup aidés. On avait dès le début l’idée d’utiliser des sons un peu étranges, des cordes atonales, et de filer le contre-point avec de la musique pop. Ava qui a peur de n’avoir vu que de la laideur préfère le romanesque au naturalisme, le surréalisme au réalisme. Elle veut ré-enchanter le monde. »