"Je me considère surtout une scénariste. J’ai eu la grande chance de participer à l’écriture des derniers films de Carlos Marqués-Marcet et de Jaime Rosales. Lors de mes études de cinéma à l’Université de Columbia, j’ai découvert que j’étais tellement attachée à certaines histoires que je ne pouvais pas laisser qu’elles soient réalisées par quelqu’un d’autre. C’est le cas de Libertad, par exemple.
En 2015 j’ai réalisé El Adiós, un court-métrage qui raconte l’histoire d’une accompagnante bolivienne, le jour des funérailles de la femme catalane dont elle s’occupait. Je cherchais des actrices non-professionnelles pour l’interpréter et j’ai rencontré plein de femmes colombiennes, boliviennes et équatoriennes. J’ai été très touchée par leurs histoires : la plupart d’entre elles avaient dû quitter leurs enfants dans leurs pays d’origine pour venir s’occuper d’autres familles en Espagne. Cette prise de conscience a été le point de départ de Libertad.
Au début, j’avais du mal à ne pas regarder les personnages de Libertad et Rosana de l’extérieur. J’ai décidé de raconter l’histoire du point de vue de Nora, qui a pu profiter de tous les privilèges que Libertad n’a pas eus. Mon film se demande si l’amitié peut vraiment dépasser les différences sociales et culturelles. Chaque personnage se positionne en fonction de son niveau de conscience sur son propre privilège.
Les moments de gêne m’intéressent beaucoup car ils révèlent quelque chose de très complexe. Il n’y a pas besoin d’avoir conscience de ton propre privilège pour que tes propres contradictions fassent surface dans ton inconscient."