« Ce film s’inspire d’une scène dont j’ai été témoin : le dépeçage d’une baleine dans le port Ayukawa à Ishinomaki*
Une baleine plus grande que moi est tirée hors de l’océan, elle est ensuite découpée par des pêcheurs avec la dextérité d’un rituel : ce qui fut une baleine est réduit en morceaux. Et cette expérience m’a plongée dans ce que Sartre appelle “l'existence précède l'essence”. Une présence bouleversante qui a ébranlé mon essence même, une présence “Gigantesque” (Humonguous en anglais. NdT). Le choc ressenti ressemble à une sensation de déséquilibre, à la nausée que ressent le protagoniste Roquentin quand il voit la racine de l’arbre. J’ai choisi le format 16 mm afin d’“imprimer” un film dans lequel sa propre existence est secouée et les frontières de la conscience, de la mémoire, de ses propres rêves et ceux des autres, deviennent ambiguës. L’esthétique du film inscrit l’existence physiquement en utilisant la lumière. Le film saisit peut-être aussi “une chose” que l’on ne reconnaît pas.
Les protagonistes, la fille et le garçon, qui sont confrontés à présence bouleversante n’existent pas dans des circonstances particulières ; au contraire, ils pourraient être chacun d'entre nous. Une puissance/présence bouleversante qui dépasse l’individu. Le Japon a connu de nombreux tremblements de terre et désastres ; et à présent une pandémie inédite progresse à travers le monde. Cette présence bouleversante ébranle notre essence même, et nos frontières deviennent ambiguës. Dans ce film, une petite fille tient bon et s’enfuit. Et elle tient tête au petit garçon. Je décris la première action que je peux prendre, moi, dont l’existence a commencé à s’ébranler. »
* La ville d’Ishinomaki a été dévastée par le tremblement de terre et le tsunami du 11 Mars 2011.