Le destin s’est mêlé de la genèse de Chris the Swiss. Deux évènements se sont en effet enchevêtrés pour donner à la cinéaste l’impulsion nécessaire. En premier lieu, elle a finalement atteint l’âge de son grand cousin Chris, un journaliste aventurier, dont la mort dans les années 1990, en Croatie pendant la guerre des Balkans, fut un traumatisme personnel et familial. S’est ajouté la mort violente de Edouardo Flores, un mercenaire à la carrière longue, premier suspect de la mort de Chris, et personnage essentiel de ce passé tourmenté.
Des marqueurs qui poussèrent Anja Kofmel, la metteuse en scène, à se replonger dans une histoire intime et parfaitement universelle. L’histoire de sa famille certes, mais également, selon ses mots, celle de la guerre comme « processus de décomposition de la société, des institutions », ainsi que celle de « jeunes hommes fascinés par la guerre, utilisés comme instrument politique et religieux ». Ce jeune homme, ici un membre de sa famille, est évoqué à travers une partie documentaire et une partie animation, seul moyen pour la cinéaste de respecter un passé devenu élusif, qui ne « peut être retrouvé, retranscrit qu’à travers une perspective purement personnelle ».
Une histoire que la réalisatrice ne lie néanmoins pas uniquement au passé : « supplanter l’histoire est une stratégie humaine de survie, et nous sommes devenus maîtres en la matière. C’est une histoire plus actuelle que jamais. Regardez l’Ukraine ou le phénomène des djihadistes ». Une œuvre en forme de devoir de mémoire donc, à la fois familiale et collective.