À propos de When You Finish Saving The World
par Ava Cahen
par Ava Cahen
Au lycée, la popularité de Ziggy est discutable, mais sur les réseaux sociaux, c’est une petite vedette de la chanson folk. Il communique avec le monde entier, à l’exception de sa mère Evelyn qui travaille dans le social et d’arrache-pied. Friture sur la ligne. Jesse Eisenberg fait le portrait croisé de ces deux personnages - magnifiquement campés par Julianne Moore et Finn Wolfhard - en quête de reconnaissance et d’affection. Une comédie dramatique qui a du punch, de l’esprit et beaucoup d’élégance.
Entretien avec Jesse Eisenberg
Quand avez-vous décidé de vous jeter à l’eau et de passer derrière la caméra ?
« Mon expérience comme auteur est en tant qu’auteur dramatique, et quand je pense à des histoires, c’est presque toujours pour le théâtre. En fait l’histoire a commencé comme une pièce audio à trois personnages pour Audible, composée d’une série de monologues. Une fois que j’ai commencé à explorer l’histoire davantage, il était clair que cela fonctionnerait aussi bien en film. L’histoire avait des éléments intrinsèquement cinématographiques, des décors intéressants comme un foyer pour femmes, et une petite ville universitaire aux États Unis ; des vidéos internet et la célébrité sur les réseaux ; deux personnages qui ne s’entendent pas mais qui vivent des vies parallèles. En commençant à écrire ce film, je l’ai construit selon mes points forts, soit un humour qui vienne des personnages et un bon jeu d’acteur. Et j’ai évité d’écrire quoi que ce soit qui puisse être difficile pour moi de réaliser dans un premier film, des séquences difficiles techniquement, ou des changements soudains de ton, par exemple. Je me suis dit que j’avais été sur assez de tournages pour comprendre ce que me demanderait ce type de film. »
Pourquoi précisément parler de la relation entre une mère active et engagée politiquement et son fils adolescent qui tente de comprendre pourquoi tout est politique autour de lui ?
« Je pense que cette histoire est la représentation d’un conflit interne qui se pose constamment à moi. Je travaille dans les arts, comme Ziggy dans le film, mais je suis entouré de gens qui travaillent dans le social, comme Evelyn dans le film. Et j’ai du mal à réconcilier les valeurs de mon travail avec les valeurs de ce travail social. Les débats entre Ziggy et Evelyn sur le sens de leur vie à chacun est un débat qui me taraude tous les jours. Tous deux ont de bons arguments pour leur propre vie, le défaut qu’ils ont en commun est qu’ils ne voient pas ce qu’il y a de bon chez l’autre. »
Le casting est incroyable. Comment avez-vous fait vos choix ?
« Quand je faisais le casting pour Ziggy pour le projet Audible, ma femme m’a suggéré Finn Wolfhard parce qu’elle savait qu’il était également musicien. Après à peu près sept minutes de recherche sur Google, je me suis rendu compte que non seulement il avait du talent, de l’humour et un cerveau, mais qu’il était aussi parfait pour le rôle. Au fur et à mesure que le film devenait réalité, j’espérais simplement que son emploi du temps lui permette de se libérer du temps.
Le jour où j’ai fini le scénario, j’ai demandé à mes agents de l’envoyer à Julianne Moore. Existe-t-il une actrice plus captivante, plus courageuse, rigoureuse et lumineuse ? C’est mon actrice préférée depuis que je regarde des films sans Tortues Ninjas. Je me suis dit que Julianne aimerait peut-être le personnage parce qu’il a une rigidité et une spécificité que je sais que les acteurs aiment jouer. Donc je me suis dit que je pourrais attirer quelqu’un de son calibre qui, de toute évidence, est bien trop qualifiée pour un petit film comme celui-ci.
En ce qui concerne les autres personnages principaux, je ne connaissais que Jay O. Sanders, qui joue le mari de Julianne. C’est l’un de mes comédiens préférés de la série des pièces de Richard Nelson, et j’ai écrit le film en pensant à lui.
Billy Bryk, qui jour Kyle, est le meilleur ami de Finn Wolfhard dans la vraie vie. Finn m’avait dit que son meilleur ami passait l’audition pour le rôle mais je ne m’étais pas rendu compte que c’était Billy. Quand j’ai vu l’audition de Billy, j’étais aux anges ; Il était absolument parfait pour le rôle – réaliste, énigmatique, charmant, avec une virilité inoffensive. Quand j’ai su que c’était le meilleur ami de Finn, je me suis dit que c’était le destin, pour ainsi dire. Finn et Billy jouent des rôles diamétralement opposés, que ce soit dans leur culture ou leur caractère, mais ils doivent tous deux avoir leur place dans la vision qu’Evelyn peut avoir d’un fils. J’ai senti que le casting était non seulement formidable, mais harmonieux spirituellement.
Alisha Boe avait tout d’abord refusé d’auditionner pour ce film parce qu’elle avait entendu que c’était le rôle d’une lycéenne et qu’elle jugeait être trop grande pour ce genre de rôle. Je comprenais parfaitement car j’avais eu la même expérience quand j’étais jeune acteur. Cependant, l’une des difficultés de ce casting était que souvent les acteurs donnaient l’impression d’être trop jeunes pour la nature du dialogue. Ma femme connaissait Alisha, elle m’a montré une de ses interviews et je savais qu’elle avait raison. Elle peut jouer les personnages perspicaces, accomplis et généreux sans pour autant tomber dans quelque chose d’obséquieux. C’est une comédienne extraordinaire.
Eleanore Hendricks joue le dernier rôle principal. C’est le rôle le plus difficile du film parce qu’il fait partie de ces rôles qui peuvent apparaître étranges quand ils sont interprétés par un acteur plus traditionnel. Il y a certains moments dramatiques qui, s’ils sont joués de manière traditionnelle, vont sonner comme du mélo. Les instincts et la présentation d’Eleanore sont tellement singuliers, et son interprétation de la langue et des conversations est si particulière qu’elle me permet, en tant que réalisateur, de donner une forme complètement imprévisible aux attentes de son personnage. C’est une actrice absolument unique qui tient une place très importante dans le cinéma d’art et d’essai. »
Quelle a été pour vous la plus grande difficulté sur ce tournage, en tant que réalisateur ?
« La plus grande difficulté pour moi a été le Covid. On a tourné au pire moment, pendant le pic de l’épidémie avant que les vaccins soient disponibles. Ça a eu un impact sur l’ensemble de la production : le nombre de figurants qu’on pouvait avoir sur le plateau sans risque, le nombre d’heures de travail, les vols annulés à la minute, on a même perdu une actrice le jour avant le tournage, car elle était cas contact (bien que asymptomatique). J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir tourner pendant cette période, et je remercie mille fois A24 de nous avoir suivi malgré tous ces aléas, mais c’était extraordinairement stressant. Par chance, si certains ont été positifs et ont dû s’isoler 10 jours, personne dans notre équipe n’a développé de symptômes graves. »
La photographie est fantastique, très élégante. Comment avez-vous travaillé avec votre chef op ?
« Emma Stone, Dave McCary et Ali Herting sont les producteurs du film. Et avant même de rencontrer Ben Loeb, notre directeur de la photographie, ils m’ont encouragé à tourner sur pellicule. Ben est devenu mon bras droit pendant la phase de production. Nous sommes très différents, je suis anxieux, impatient, j’ai toujours besoin d’être drôle, et Ben est élégant, calme, et scandinave. On va bien ensemble parce que je sais que mon sens de l’humour est bien meilleur quand il est contenu.
Ben est aussi précis que polyvalent. Entre Mandy et Pieces of a Woman, il est aussi doué sur un film à la théâtralité très marquée que sur un film très naturaliste. J’ai adoré son utilisation des zooms dans le film de mon ami Richard Ayoade, Submarine, parce qu’ils peuvent être perçus comme très sincères et satiriques. Ils peuvent simultanément vous rapprocher du personnage et commenter son comportement. J’ai pensé que ça fonctionnerait pour notre film parce qu’il y a deux personnages principaux très émotifs, mais dont la gêne dans leur comportement est comique. J’ai demandé à Ben si on pouvait se permettre quelques zooms et des fondus enchaînés, et il était ravi. C’est devenu notre langage, une sorte de naturalisme parsemé de commentaires sarcastiques sur les personnages aux moments les plus gênants. »
Comment ont été créées les chansons que Ziggy joue dans le film ?
« La musique du film vient de mon projet Audible. Quand j’écrivais l’histoire comme livre audio, je pensais que ça serait intéressant d’utiliser les avantages de ce média et de faire de Ziggy un auteur-compositeur, plutôt qu’un simple ‘influenceur’ tendance du net. Donc j’ai commencé à lui écrire des chansons et Finn les chante sur le projet Audible. Le but de ces chansons est qu’elles sont immatures mais habiles, brutes mais bien produites, jeunes mais pas bêtes.
Quand j’ai pensé à la musique du film, ma première idée était qu’elle soit l’extension du monde de Ziggy. J’ai rencontré Emile Mosseri, qui est l’un des grands génies dans les films d’art et d’essai à l’heure actuelle, et je lui ai parlé du concept. Il s’est immédiatement mis à m’envoyer des extraits qui semblaient faits maison. Le riff fait avec ce clavier Casio bon marché qui joue en ouverture du film et se répète, a résonné en nous et il devient l’apothéose de Ziggy. La composition d’Emile est exceptionnellement brillante en cela qu’elle est trompeuse – elle sonne comme une composition de film classique et comme quelque chose que Ziggy aurait pu avoir écrit (J’ai écrit les chansons concons que Ziggy chante dans le film comme ‘Alumni Alone’, qu’il chante dans la boîte.) »