À propos de Stranger
par Marie-Pauline Mollaret
par Marie-Pauline Mollaret
À la fois habité par une inquiétude sourde et traversé par une formidable soif de vivre, Stranger raconte l’histoire d’une renaissance, celle d’une jeune femme absente à elle-même qui se reconnecte peu à peu à ses émotions au contact d’une inconnue rencontrée par hasard. Dans des lieux vides ou sans âme qui dessinent le portrait d’une époque triste et glacée, les deux personnages s’inventent un monde à elles et se trouvent un langage commun. Les passages musicaux offrent une formidable armature à cette fable romantique qui fait une utilisation virtuose de l’espace, et affirme autant le pouvoir du cinéma que celui de la musique et du désir pour réenchanter l’existence.
Entretien avec Jehnny Beth
« Tout a commencé avec la musique. J'ai d'abord travaillé en studio avec Johnny Hostile et Malvina Meinier, puis l'envie d'écrire un court métrage est venue suite à ma rencontre avec Agathe Rousselle quand nous auditionnions pour les mêmes rôles. Je lui ai proposé d'écrire avec moi et la romancière Alexandra Dezzi. On s'est d'abord intéressées au sujet du double, puis l'histoire s'est nouée autour de la symbolique du battement du cœur et son lien avec la musique.
J'avais envie d'un objet atypique qui marie la musique et le cinéma de manière créative. Il ne s’agissait pas de faire un film “au service” de la musique, ou inversement, mais plutôt de créer deux objets artistiques à part entière qui se rejoignent sur les mêmes thèmes : le retour à soi-même, la reconnexion avec ses émotions pour échapper à la suffocation provoquée par une vie sans frissons et sans vagues. La musique est presque le personnage principal du film, elle est l'essence précieuse que les personnages se transmettent. C’est la musique qui sauve les personnages.
Pour moi il était important de raconter cette nécessité de transmission entre les êtres humains, dans un monde fait de guerres, de séparations, de pouvoir, il est important de raconter que nous avons besoin les uns des autres, que l'art, la poésie, sont là pour nous aider à trouver cette connexion.
J'ai rencontré Iris Chassaigne quelques mois avant le tournage et ça a été un vrai coup de cœur. Il était évident pour moi que son univers allait se marier parfaitement au projet. J'avais beaucoup aimé son court métrage Swan dans le centre qui explorait déjà cette idée de l'absence, de l'ennui et du désir. J'ai tout de suite aimé ses idées de mise en scène pour STRANGER, toujours fortes et justes, et notre collaboration a été très joyeuse. »
Entretien avec Iris Chassaigne
« En découvrant le scénario de STRANGER, j’ai tout de suite vu un lien avec les thèmes qui m’animent dans mon cinéma, notamment dans l’envie de raconter des personnages en décalage avec le monde qui les entoure.
Jehnny avait déjà des idées esthétiques fortes, qui sont venues épouser mes envies de mise en scène. Nous avons pointé l’importance du travail sur les corps, les gestes, par lesquels nous voulions raconter d’abord le mal-être de A, puis sa renaissance qui opère lors d’une danse de J.
L’aspect hybride et le potentiel fantastique du projet m’a aussi donné envie d’y amener de l’étrangeté par des choix visuels, de décadrages ou de plans séquences, qui placent les personnages dans cet espace autre, pas tout à fait réaliste, propre au film. »