À propos de Lost Country
par Olivier Pélisson
par Olivier Pélisson
En mêlant un destin individuel à la grande Histoire, Vladimir Perišić transcende le déchirement intérieur d’un adolescent, pris en étau entre l’amour pour sa mère et ses convictions naissantes. La puissance romanesque saisit autant que la réalité tragique. Le retour du cinéaste bouleverse par l’acuité de son regard sur un passé si proche. Quant aux visages de Jovan Ginic et Jasna Durićić, ils impriment la rétine autant qu’ils touchent au cœur et à l’âme.
Entretien avec Vladimir Perišić
« Depuis Ordinary People, j’ai vécu une sorte de traversée du désert, mais qui est passée vite car j’ai créé une maison d’édition, un festival de cinéma et j’ai enseigné dans une faculté, à Belgrade. J’ai commencé dès 2016 à travailler sur Lost Country, qui a été compliqué à financer. Le projet est né de ce que j’ai porté en moi, de mon histoire personnelle et de films comme Mouchette de Bresson et Allemagne année zéro de Rossellini, qui m’ont permis d’articuler cette histoire.
J’ai voulu explorer un conflit de double loyauté, entre celle qu’on a envers la mère, et celle qu’on a envers un impératif éthique. Mon court-métrage Dremano oko portait déjà en germe cette histoire. C’était plus facile car j’avais choisi un père comme représentant de l’autorité politique. Lutter contre le père est un passage obligé et libératoire. Avec la mère, c’est beaucoup plus difficile pour moi, car, dans les années 1990, ma mère faisait de la politique, dans une société serbe extrêmement patriarcale.
Ce qui m’intéresse c’est notre fragile faculté d'admettre la réalité. Il existe encore, malgré tout, un déni de la Serbie sur les crimes des années 1990. Dans Ordinary People, je voulais filmer le travail du déni au moment du crime. Lost Country se situe après, mais les événements du Kosovo vont arriver trois ans plus tard. Le film se situe donc entre deux crimes.
J’ai vu 1500 gosses avant de trouver Jovan Ginic en club de water-polo. J’ai longtemps répété avec lui, à le filmer et à l’observer. Je crois qu’on a construit une belle amitié en faisant tout pour veiller sur lui. Quant à Jasna Duricic, elle avait joué dans Dremano oko, et elle apporte toute son autorité pour camper une femme politique. »