À propos de Paradis
par Marie-Pauline Mollaret
par Marie-Pauline Mollaret
Intime, politique et ancré dans une réalité sociale ultra-contemporaine, Paradis met en scène un personnage d’adolescent mutique mais déterminé, prêt à tout pour sauver ses proches. On aura rarement vu au cinéma une quête aussi intense et minimaliste à la fois, prenant à contre-pied les motifs traditionnels de la course contre la montre. Les enjeux que pose le film débordent le simple contexte égyptien pour invoquer la liberté d’aimer qui l’on veut, d’aller et venir à sa guise, et tout simplement de vivre heureux et digne.
Entretien avec Morad Mostafa
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ?
Je voulais terminer ce que j’avais commencé précédemment. L’actrice principale de mon premier court métrage était soudanaise. Je viens d’un quartier populaire connu pour abriter de nombreux migrants venus d’Afrique. L’idée d’Eissa est venue de ma productrice et co-scénariste, Sawsan Yusuf, qui m’a parlé de son idée d’un adolescent africain qui rassemble l’argent nécessaire afin que lui et ses proches puissent voyager et ainsi tenir la promesse qu’il leur a faite. On a travaillé dessus pendant plus de deux ans, et on voulait en faire quelque chose d’unique. En effet, si beaucoup de films parlent d’immigration, c’est toujours un natif qui aide des immigrés à partir ; je voulais transformer la situation, la rendre différente, ici c’est l’immigré africain qui aide et cherche à libérer les nationaux afin qu’ils soient en sécurité ; de leur point de vue, c’est comme s’il leur promettait le paradis.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre choix d’un mélange de thriller et d’un genre plus contemplatif ?
J’aime les films avec des histoires passionnantes, comme réalisateur et comme spectateur. Je voulais faire un road movie, mais de manière contemplative, romantique : avec peu de dialogues, simplement quelques mots de la part des protagonistes pour laisser la place au silence et aux sentiments.
Dans votre élégante mise en scène, certains cadres ressemblent à des tableaux ; comment avez-vous travaillé ?
Pour moi, c’est toujours l’histoire du film qui dicte le style narratif et visuel. Pour ce film, je voulais laisser la place à l’image afin de raconter l’histoire à travers une mise en scène particulière, lors des moments de grande tension, et le mouvement des personnages. Et comme on a choisi des endroits historiques et très pittoresques comme décors, je me suis beaucoup aidé de peintures. Pour trouver le bon cadre, j’ai fait un storyboard et dessiné chaque cadre avant le début du tournage, afin de me figurer l’ensemble du film et d’en assurer sa cohérence.
De plus, vous avez décidé de ne pas fournir beaucoup d’explications quant au contexte : pourquoi ce choix ?
Afin d’assurer une connexion entre le spectateur, l’univers du film et les personnages et de laisser la porte ouverte aux réflexions. Au cinéma, je préfère parler le moins possible pour en dire le plus possible. Le film commence avec un violent événement en toile de fond. C’est l’élément déclencheur de l’histoire ; si on ne sait pas exactement ce qui s’est passé, on peut s’identifier aux personnages et chaque personnage a sa version de ce qui s’est passé. Les personnages sont dans une situation extrêmement délicate et essayent de s’en sortir à tout prix.