À propos de Simon de la montaña

par Perrine Quennesson

Entretien avec Federico Luis

À quel point cette histoire atypique est proche de vous? 

Je connais Pehuén Pedre, l’un des acteurs du film, depuis des années. On s’est rencontré alors qu’il était élève dans un cours de théâtre pour personne en situation de handicap et moi assistant du professeur. Avec le temps, nous sommes devenus amis. Au cours d’une discussion, où nous échangions sur nos imperfections et nos épreuves personnelles, il m’a demandé pourquoi je n’avais pas, comme lui, un certificat qui attesterait de mes difficultés. A ma grande surprise, il ne voyait pas cette attestation comme un fardeau, mais comme une source de pouvoir. Il m’a alors proposé de m’entraîner pour que je corresponde aux critères de cet examen de handicap et que je tente de le passer. Je ne suis pas allé jusque-là mais je me suis dit que cela pouvait être une bonne idée pour un film. 

 

À l’exception de votre personnage principal, qui donne son nom au film, la plupart des acteurs de votre long métrage sont en situation de handicap cognitif. Et pourtant, on ne peut pas dire que Simon de la Montana porte sur le handicap, c’est avant tout un film sur l’adolescence…

Tout à fait. Il y a six ans, quand les bribes de ce film me sont apparues, je n’avais en tête que la première scène où l’on voit une bande d’adolescents lutter face au vent sur une montagne. Je voulais parler des affres de l’adolescence, de la difficulté de trouver sa place, de trouver son appartenance, une correspondance entre notre manière de voir le monde et ce que l’on attend de nous. Ce n’est qu’après la discussion avec Pehuén que ce détail du handicap est arrivé mais il n’est traité que comme un trait quelconque, comme avoir les cheveux blonds ou bruns ou les yeux verts ou bleus. Ce sont ceux qui sont dits valides autour de ces adolescents qui en font une catégorie à part. Ces deux questionnements sur la place que l’on occupe, que ce soit en tant que mineur qui se cherche ou comme personne en situation de handicap que l’on met à la marge, se rejoignaient. Dans les deux cas, ils sont contrôlés et réduits à l’espace que l’on veut bien leur donner. Je ne voulais pas pointer les différences mais ce qui rassemble : les premiers amours, le désir ou encore les expériences, plus ou moins risquées. 

Est-ce qu’en tant que cinéaste argentin, présenter son premier film à Cannes revêt une émotion encore plus singulière cette année?

Il y a quelques semaines, je présentais un de mes courts métrages au BAFICI - Festival international du cinéma indépendant de Buenos Aires - et ce fut un moment particulièrement émouvant. Je l’ai présenté le jour même où l’INCAA, l’Institut national du cinéma argentin, fermait ses portes. Soudainement, le Q&A qui suivait n’avait pas la même ampleur. Je ne présentais plus seulement mon travail, je devenais un symbole. Simon de la montana est l’un des derniers films à avoir bénéficié de l’INCAA dans ce qu’il était. Être à Cannes, c’est aussi pouvoir témoigner auprès du reste du monde de notre situation, d’appeler à une aide internationale, du moins pendant les 4 prochaines années, le temps de la présidence de Javier Milei, en espérant pouvoir reconstruire ensuite. C’est à la fois une grande pression mais aussi un rôle qui me tient à cœur.