À propos de Les Fantômes
par Frédéric Mercier
par Frédéric Mercier
Membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre, Hamid erre seul entre l’Allemagne et la France à la recherche de son bourreau. Porté par l’interprétation intense et spectrale d’Adam Bessa, Les fantômes est un film d’espionnage intime, haletant et sensoriel dont la puissance évoque les grands classiques du cinéma américain de complot des années 70.
Entretien avec Jonathan Millet
Les Fantômes est le prolongement de mon travail autour de la migration, en fiction comme en documentaire. Ma boussole est toujours la même, celle de chercher à saisir des destins individuels singuliers, de raconter l'exil à travers des histoires à taille humaine.
Ce scénario intime raconte en filigrane mon parcours de vie. J'ai vécu un peu plus d'un an en Syrie, à Alep. J'avais 20 ans et la guerre n'avait pas encore commencé. Quelques années plus tard, la guerre éclate en Syrie et mes amis d'Alep m'envoient chaque semaine les images qu'ils filment. Je vis la guerre et la destruction de notre quartier à travers leurs vidéos. Ils s'exilent à Istanbul où je les retrouve à plusieurs occasions, au cœur de la communauté Syrienne de Turquie, puis en Allemagne.
Je voulais faire de mes personnages des héros de cinéma et rendre grâce à toutes ces histoires d'exil que j'ai pu entendre et qui feraient pâlir tout scénariste de films d’aventure. Ce qui m'a d’abord frappé dans la quête de ces exilés, c'est son urgence, son absolue contemporanéité.
Ma porte d'entrée c'est de chercher à raconter l'invisible par les moyens du cinéma : la cellule secrète, les exilés et leurs enjeux humains, la géopolitique. Je souhaite pouvoir raconter les récits de ceux qui ne sont pas mis en lumière, en plongeant au cœur d'enjeux que les médias ignorent.
J'aime parler de film d'espionnage. L’espionnage c'est l'observation de l'autre, et le mensonge sur soi-même. J'ai voulu me confronter à ce genre et à ses enjeux universels plutôt qu'à une représentation plus attendue, au ras du réel, de ce qui pourrait n'être qu'un sujet de société. Je crois au souffle et à l’intensité que cela amène au récit et aux personnages, qui deviennent des héros tragiques au même titre que les grandes figures des films noirs qui ont forgé ma cinéphilie.
Les Fantômes est porté tout du long par un travail sur le sensoriel : filmer l'écoute, le tactile, l'odeur. La mise en scène nous immerge dans l'intériorité d'Hamid, au cœur de ses doutes. C’est un film à fleur de peau, tout entier porté par ses sens, au plus près de son visage, son corps et de ses émotions.