À propos de Las novias del sur

Las novias del sur est un film bouleversant qui, dans sa manière de raconter l’intime et de valoriser une parole féminine, se situe dans la lignée de l'œuvre de Elena López Riera. La réalisatrice espagnole explore les figures de mariées qui hantent nos photos et films de famille, ces épouses sérieuses ou heureuses, pleines d’illusion ou déjà désenchantées. Les témoignages d’une liberté absolue et le montage, respectueux de cette parole, interrogent le mariage en tant que rite ancestral et racontent une époque révolue, celle de nos mères et de nos grands-mères.

Entretien avec Elena López Riera

Deux ans après El Agua, vous aviez envie d’explorer à nouveau la condition féminine. Pourriez-vous nous raconter la genèse de ce projet ?

J’ai commencé à réfléchir à ce film il y a 20 ans. J’ai toujours eu une fascination pour les rituels, et notamment pour le rituel du mariage. 20 ans, 30 ans, 50 ans même, me séparent de ces femmes mais j’estime qu’entre leur génération, qui est celle de ma mère, et ma génération, tout a changé, en termes de mariage, de virginité, d’amour, de sexe. A l’époque, la plupart des femmes dans ma région étaient vierges quand elles se mariaient, et une image mettait ça en scène, c’est la photo de mariage, qui m’a toujours obsédée. Las novias del sur est un film qui s’est fait un peu tout seul, par nécessité, par intuition, par une envie de suivre mes impulsions.

 Comment le format du documentaire s’est-il imposé à vous ?

Je ne me pose pas forcément la question de la forme finale, à quel genre ça va répondre, documentaire ou fiction. Ma façon de m’approcher du cinéma a toujours été par l’observation du réel. Pour une question de production, ce film s’est fait avec une équipe très réduite. Peut-être que ça partait aussi d’une envie et d’une urgence de filmer et de constater ce qui m’entoure. Et je ne peux pas me séparer de l’éducation sentimentale, intellectuelle, culturelle et familiale qui vient du mysticisme, de la mythologie, du besoin de fiction le plus primaire qui soit. Ce film demande aussi une brutalité, il fallait ne pas le rendre plus beau ou manufacturé qu’il est, parce que je pense que ça correspond aussi à la parole, qui sort de façon très brute et très sincère.

 Comment avez-vous trouvé les femmes interviewées dans le film, dont les témoignages sont si puissants ?

C’est un mélange de hasard et de rencontres. Ma collaboratrice, Cristina Pérez, qui avait fait le casting d’El Agua, travaille comme directrice de casting sur d’autres productions. Grâce à elle, j’ai rencontré des femmes qui n’avaient pas été prises dans d’autres films. Il y a aussi une femme qui apparaît dans El Agua, la mère d’une des comédiennes d’El Agua, une femme que j’ai entendue dans un podcast… Le reste s’est fait par hasard. Au début, j’ai cru que ça allait être très compliqué de les faire parler, mais elles en avaient tellement envie ! Personne ne leur pose ces questions sur leur vie et leur intimité, c’est tellement beau et tellement terrible de constater ça. C’est pour ça que je revendique beaucoup la parole et la force de cette parole parce que c’est une parole inédite.