À propos de Baby
par Ava Cahen
Entretien avec Marcelo Caetano
Son romanesque nous a soufflés, ses personnages nous ont transportés. De la première à la dernière seconde, ce mélodrame contemporain nous a fait vibrer.
Depuis mes premiers courts métrages, je tourne dans le vieux centre-ville de São Paulo. Autrefois le cœur économique de la ville, ce quartier a beaucoup souffert des transformations lors de la dictature entre les années 60 et 80. Les militaires y ont construit des viaducs, des lignes de chemin de fer, et des tunnels, coupant le centre ville au milieu. Cela a fragmenté le quartier et désintégré la vie en communauté. La population et les emplois ont fui dans d’autres endroits de la ville. Et ces nouvelles routes et lignes de chemin de fer ressemblent de plus en plus à des CICATRICES sur la peau de la ville.
Ceux qui sont restés - ou ceux qui sont arrivés plus tard, comme moi - y ont trouvé un cadre de vie hostile. Le film Baby porte sur ces gens et leurs cicatrices. Sur le fait que nous gardons en nous les souvenirs de cette violence. Tout comme le centre-ville de São Paulo, les personnages dans Baby luttent contre l’abandon des institutions. Ils sont forcés de s’allier pour survivre, même si ces liens sont éphémères. Mais pour eux, la solitude n’est pas une option.
Baby parle aussi de PASSION. C’est une réponse chamarrée, musicale et sensuelle à un système économique qui entend nous séparer et nous marginaliser. Nos personnages principaux, Baby et Ronaldo, sont constamment en mouvement, traversant la ville, tentant d’échapper à la misère. Je n’aime pas les voir comme des victimes, je les considère comme faisant partie de la résistance. Ils se battent avec leurs propres moyens contre l’état injuste du monde. Ils dansent avec le chaos de la ville. Ils trouvent l’amour dans un lieu sans espoir. Et j’aime que leurs relations soient jonchées d’erreurs et de rendez-vous manqués. C’est le reflet de cette ville fragmentée et contradictoire que je filme. C’est complexe et au-delà de tout jugement.
