LOS DESHEREDADOS était en compétition à la Semaine de la Critique en 2017. En quoi cela a-t-il été important pour vous ?
Je dois remonter dans le temps pour expliquer l’importance que cela a eu pour moi. Los Desheredados est mon premier projet après être sortie de l’école. J’ai eu mon diplôme en 2012 et j’ai tourné Los Desheredados en 2016. Donc je n’ai rien tourné pendant 4 ans. Pendant cette période, non seulement mon père a perdu son emploi mais mes oncles aussi, ma mère et son compagnon. Toute la famille, en fait. Ma situation professionnelle n’était pas bonne non plus : je n’aimais pas mon travail et, en plus, je ne gagnais pas assez bien ma vie. Donc je vivais encore avec ma mère pour essayer de mettre un peu de sous de côté. Cependant quand mon père m’a dit qu’il devait fermer boutique, je me suis rendue compte que je devais faire quelque chose car j’avais vu suffisamment de personnes qui, autour de la cinquantaine, était complètement perdus après avoir perdu leur emploi. Puis je me suis dit que, justement, par le biais du cinéma, ma famille pouvait avoir un souvenir qu’elle garderait à jamais. Personne dans ma famille n’avait jamais rien fait quoique ce soit d’artistique, mais ils m’ont toujours soutenue et ils ont travaillé dur pour que j’aie une bonne éducation. Je me sentais redevable et j’étais inquiète de leur situation. Donc j’ai décidé de me remettre à tourner et on a fait le film pendant les derniers jours avant la fermeture du magasin, j’ai dépensé mes maigres économies et j’ai continué de travailler pour faire Los Desheredados. Au final, j’ai travaillé un an pour tout payer : du tournage à la post-production. Ces 5 années ont été vraiment difficiles mais tout a changé quand Los Desheredados a été sélectionné par la Semaine de la Critique : j’étais soulagée, ça a été une très grande chance et un honneur que je n’avais jamais connu jusqu’à lors et ça faisait longtemps que ma famille n’avais pas été aussi heureuse. La beauté du film Los Desheredados est de montrer qu’il est toujours possible remonter la pente mais c’est grâce à la Semaine de la Critique. C’est pour toutes ces raisons que cette expérience d’être sélectionnée et le voyage à Cannes avec ma famille a été l’un des moments les plus importants de ma vie.
LOS DESHEREDADOS a gagné le Prix Découverte Leica Cine. Comment ce prix vous a-t-il aidée dans la poursuite de votre carrière ?
Le Prix Découverte Leica Cine a été crucial, surtout en terme de visibilité. Los Desheredados est un projet à tout petit budget : on était six pour le tournage, on a filmé avec seulement une caméra et un trépied cassé et avec mon propre argent ce qui n’était pas grand-chose, donc je ne pouvais pas mettre d’argent dans la promotion du film. Cependant, depuis la sélection à la Semaine de la Critique, le film a été sélectionné dans 40 festivals de film, sélectionné aux European Film Awards de 2017 et gagné plusieurs prix dont le prix Gaudí du Meilleur Court Métrage en 2018 (l’Acamédie du cinéma catalan) et le prix Goya du Meilleur Court Métrage Documentaire en 2018 (l’Académie du cinéma espagnol). De plus, il a été projeté dans les cinémas en Espagne : non pas avant un long métrage ou parmi plusieurs courts métrages mais en solo, ce qui, pour un court métrage, était du jamais vu en Espagne. Par ailleurs, je travaille maintenant comme professeur de cinéma en parallèle à l’écriture de mon prochain long métrage. Et justement, j’ai commencé à écrire grâce à l’atelier Next Step de la Semaine de la Critique. Il est donc indéniable que la Semaine de la Critique m’a aidée à lancer ma carrière.
Que voudriez-vous dire aux réalisateurs qui seront sélectionnés cette année avec leur premier film et qui vont vivre cette première avec nous ?
Vous en avez de la chance ! L’équipe de la Semaine de la Critique aime vraiment les courts et les longs métrages : vous n’aurez jamais l’impression qu’on sous-estime votre court métrage. Et l’expérience ne s’arrêtera pas en mai : ils suivront votre projet et vous permettront de commencer à écrire et de prendre contact avec des professionnels pour développer un long métrage grâce à l’atelier Next Step. Il n’y a vraiment pas de meilleur festival que la Semaine de la Critique.